
Pourquoi va-t-on voir un psychanalyste ?
On consulte pour toutes sortes de raisons et les chemins qui conduisent chez un psychanalyste sont tous très différents, mais en général, on commence une psychanalyse parce que ça va mal et qu’on se sent pris dans des difficultés insurmontables que l’on est incapable de résoudre seul. Il arrive que le patient n’arrive pas définir avec précision la nature et l’origine de ses difficultés et pourtant les symptômes sont là, il est empêché ou déprimé, il est sous le coup d’un traumatisme qui ne passe pas, il ne dort plus, il a des « idées » obsédantes ou encore, il est pris dans la répétition ou paralysé par l’angoisse ou la peur.
On vient voir un psychanalyste pour aller mieux et souvent dès le début de la cure, c’est en effet ce qui se passe. Le fait d’avoir trouvé quelqu’un à qui parler et un endroit où déposer ce qui encombre a un effet immédiat. Après quelques séances, le patient va mieux. Et c’est à partir de ce moment là que le travail commence. Petit à petit, séance après séance, s’engage une autre phase de l’analyse, souvent passionnante et quelquefois difficile et éprouvante, dont le but est d’élaborer par la parole et dans la relation à son analyste les éléments qui constituent sa vie et son histoire. Il s’agit de procéder à un véritable réaménagement psychique. La psychanalyse est une « cure par la parole ». Ce qui se passe dans une analyse est à la fois spectaculaire, tangible et difficilement partageable. Mais dans tous les cas, faire une analyse c’est faire un choix, celui de se donner les moyens pour que sa vie change, celui d’interroger son destin et de faire échec à la répétition.
La psychanalyse est-elle faite pour tout le monde ?
La psychanalyse ne demande pas de dispositions particulières, mis à part le fait de parler la même langue que son psychanalyste, de prendre le temps et de se donner les moyens matériels de la cure. Elle est donc accessible à tous, mais elle n’est pas faite pour tout le monde dans la mesure où elle exige un certain rapport à la parole et à la vérité.
La psychanalyse vous met au défi de parler d’une parole vraie et d’en supporter les effets, ce qui n’est pas donné à tout le monde…
A quoi sert une psychanalyse ?
Le but de la psychanalyse est de libérer les patients des obstacles et des barrières imaginaires qui les empêchent de vivre pleinement leur vie d’homme et de femme. Elle n’a pas pour vocation de rendre meilleur, plus adapté, plus calme, plus intelligent ou plus sage, mais les gens qui ont fait une psychanalyse se sentent moins empêchés et vivent plus en accord avec leur désir. C’est le constat que font souvent nos patients. La plupart d’entre eux ont vu leur vie transformée par l’analyse, mais ils ne peuvent pour autant se dire « guéris ». Dans ce domaine, ce ne sont pas des « affections » que l’on soigne comme une grippe. Le changement qui s’opère n’est rien d’autre que la transformation existentielle du sujet.
Est-ce que la psychanalyse, c’est compliqué et intellectuel ?
Il n’existe pas de thérapie plus simple et plus basique que la psychanalyse. (Je n’en dirais pas autant de la théorie…) Un patient et un psychanalyste décident de se voir régulièrement. Ils conviennent d’une durée de séance, (généralement entre 25 et 45 minutes), ils décident d’un prix pour cette séance (entre 40 et 100 euros). Le patient parle et s’engage à dire tout ce qui lui vient à l’esprit et le psychanalyste écoute. Le psychanalyste veille à ce que ce cadre soit respecté pendant la cure, ce qui définit les conditions de bon déroulement du travail. Et c’est tout… C’est tout, mais je n’ai défini que le cadre. Le reste concerne la particularité de chaque cure et de chaque patient. Et le reste, c’est ce qui fait que chaque cure est singulière…
Dans une analyse, tout est possible, mais uniquement par le biais de la parole. C’est la parole vraie, c’est-à-dire celle « qui n’est pas du semblant » comme dit Lacan, qui agit. De ce fait, la psychanalyse n’a rien à voir avec le niveau intellectuel du patient, son savoir, son intelligence ou la vivacité de son raisonnement.
On dit souvent que les psychanalystes ne parlent pas, est-ce vrai ?
Ce qui importe dans le processus de la psychanalyse, c’est la parole du patient dans la relation avec son analyste (ce que l’on appelle le transfert). Le fait que ce soit votre parole qui compte avant celle de votre psychanalyste, ne signifie pas qu’il doive s’obliger au mutisme. Votre psychanalyste peut parler, mais il doit parler pour faciliter votre parole et vous aider à faire que cette parole advienne. Cependant, il est possible qu’au cours de l’analyse, il y ait des moments de silence. Ce silence a aussi un sens. Pourquoi ne pas lui laisser sa place ?
Pourquoi certaines analyses durent si longtemps ?
Parce qu’il n’est pas possible de changer en quelques séances ce que l’on a mis toute une vie à mettre en place. Une analyse c’est long pour des raisons évidentes et logiques. La cure analytique n’avance qu’à la vitesse du patient et force est de constater que ce travail demande du temps et que le temps est une des conditions et des dimensions de l’analyse. Précisons que la psychanalyse n’est pas une obligation et que la plupart des gens vivent bien sans y avoir recours et c’est tant mieux. Seul une minorité d’entre eux font une analyse et s’en trouve transformés et c’est aussi tant mieux. Ce n’est peut être pas si anormal ou étrange de consacrer quelques minutes par semaine à parler à quelqu’un pour élaborer sur sa vie, pour aller mieux et interroger son destin?
Comment savoir si on a choisi la bonne ou le bon psychanalyste ?
Choisissez un psychanalyste avec qui vous vous entendez bien et en qui vous avez confiance. Le travail analytique repose sur la qualité de la relation à l’analyste. Il est important qu’il soit disponible, à votre écoute, aimable et bienveillant. Cela veut dire que vous devez être capable de discuter de tout avec lui, y compris du prix des séances, de leur fréquence et de leur durée. Il y a quelques années dans notre pays, la psychanalyse a joué un rôle de premier plan dans le monde des idées. Elle était à la mode et certains psychanalystes ont adopté une posture de toute puissance. Ils sont devenus soudain hautains, arrogants, froids, désagréables et cassants. Les temps ont changé et cette période est révolue. Rien ne justifie le fait qu’un analyste soit impoli, discourtois ou même désagréable avec ses patients. Mais s’entendre bien avec son analyste ne veut pas forcément dire être toujours en accord avec lui. L’analyse n’est pas un conte de fée ou une lune de miel. Il peut y avoir des difficultés, voire même des conflits. Et c’est d’ailleurs l’un des enjeux de la cure analytique que de travailler sur ces conflits et leurs origines. Ils doivent être analysés pendant la cure, dans le transfert.
Une psychanalyse se déroule-t-elle toujours sur un divan ?
Dans certains cas, quand le psychanalyste le juge utile et que le patient accepte, il est possible que le patient s’allonge sur un divan pour faciliter la parole. Cette méthode inventée et recommandée par Freud est la plus adaptée pour la pratique de la psychanalyse. Il est en effet plus facile de parler sans la présence visuelle du psychanalyste en face de soi. Mais de là à dire que c’est le divan qui fait la psychanalyse, il y a un pas que je ne franchirai pas. Certaines thérapies d’orientation psychanalytique en face à face se révèlent plus appropriées que certaines cures allongées qui n’en finissent pas.
La psychanalyse est-elle efficace?
Le choix du terme « efficace » n’est pas très heureux. Efficace par rapport à quoi ? On est efficace quand on s’est donné pour but d’arriver au bout d’une tâche déterminée à l’avance et qu’on y est parvenu. Les raisons pour lesquelles nos patients viennent nous voir n’ont souvent rien à voir avec celles qu’ils découvrent pendant la cure. Comment peut-il en être autrement ? De manière plus générale, les difficultés que rencontrent nos patients ne se résument pas à des problèmes d’adaptation. C’est bien ce que nous disons quand nous affirmons que les symptômes « parlent ». Les effets de l’analyse sur nos patients ne se mesurent pas en terme d’efficacité, mais de désir. Nos patients ont des symptômes et nous affirmons que ça a un sens. Nous constatons que le fait de mettre des mots sur ce qui est resté indicible jusque là, a des effets et que ça change leur existence. Ces changements ne sont ni mesurables, ni quantifiables. Il n’est pas très compliqué de se renseigner sur ce dont il s’agit. Demandez à ceux de vos proches qui ont fait une analyse. Partout en France, plusieurs milliers de psychanalystes (6000 à 7000 d’après l’Express) reçoivent quotidiennement leurs patients. Ils travaillent sur la théorie et la clinique dans des sociétés de psychanalyse, parlent régulièrement de leur pratique à un autre psychanalyste (supervision), voire même, continuent leur analyse sur un divan. Ils jouent un rôle social considérable pour soulager ce que l’on appelle « la souffrance psychique ».
La cure analytique n’est-elle pas une activité narcissique et égoïste uniquement tournée sur sa petite personne ?
Parler, ce n’est pas forcément parler de soi ou s’enfermer sur soi. « Etre humain » ou « être au monde », ce n’est pas la même chose qu’être une chaise ou une table. Quand le patient entre dans le cabinet de consultation, il y arrive avec ses proches, sa famille, son histoire, sa langue, son milieu et tout ce qui le constitue. Pendant tout un temps d’élaboration de la psychanalyse, on a cru qu’il suffisait de faire émerger les pensées inconscientes et de les révéler à la conscience pour que l’affaire soit jouée. Puis on s’est aperçu que ce qui « soignait », ce n’était pas la connaissance, le savoir sur soi, mais la parole dite dans la relation au psychanalyste que l’on appelle le transfert. Comme le dit Lacan, ce n’est pas « le dit » qui compte, c’est « le dire ».C’est pour cette raison que la psychanalyse n’a rien à voir avec l’introspection ou monologue sur soi. La cure analytique est d’abord une rencontre avec un autre, par la parole, dans le cadre défini par la cure analytique.
Est-ce que la psychanalyse n’est pas dépassée ?
La psychanalyse a été inventée par des femmes, les premières patientes de Freud, qui ont exigé qu’il se taise et qu’il les écoute. C’est ainsi que Freud a eut l‘idée de mettre la parole du patient sur le devant de la scène avant le savoir du thérapeute. Ce principe n’est pas dépassé. C’est toujours celui de toutes les psychanalyses. Depuis son invention, la psychanalyse a été partie prenante dans la plupart des grandes mutations de notre société. La psychanalyse a donné la parole à des femmes, leur attribuant une place à l’égal de l’homme. L’homosexualité a été, et ceci dès les débuts de la psychanalyse, considérée comme une orientation sexuelle et non comme une tare ou une maladie. C’est la psychanalyse qui la première a reconnu l’importance de la sexualité dans la vie psychique des adultes et des enfants. Il suffit de lire n’importe quel magazine de société pour se rendre compte à quel point les idées de la psychanalyse ont diffusées dans le corps social et à quel point certaines des idées les plus révolutionnaires de Freud sont devenues aujourd’hui des évidences. Les psychanalystes continuent d’intervenir dans le débat social et se battent pour défendre leur point de vue sur un certain nombre de questions de société. Ils sont actifs, mais ils évitent de se mettre en avant parce qu’ils sont convaincus que leur place n’est pas sur une estrade, mais à l’écoute de leur patient. Les psychanalystes défendent le sujet contre la foule, ils privilégient le particulier plutôt que le général et soutiennent le désir plutôt que la satisfaction. Les psychanalystes, qui sont bien placés pour savoir ce qu’il en est de la réalité humaine, se méfient de toutes les églises, de toutes les armées et de toutes les institutions humaines.
Pourtant, certains livres récents dénigrent la psychanalyse et elle est régulièrement critiquée dans la presse ?
La psychanalyse a toujours été l’objet de critique. Le psychanalyste ne se situe pas son action sur le même plan que les autres théories psychologiques. Sa conception de l‘inconscient est en rupture avec la pensée classique. Elle n’est ni une idéologie (ou alors c’est une idéologie du désir), ni un savoir (ou un savoir du non-savoir), ni une morale, ni un ensemble de dogmes et encore moins une philosophie. Pour cette raison elle dérange les idéologues et ceux pour qui la volonté, la conscience ou les savoirs sont le centre de l’homme. Elle est d’abord une pratique dont découle une théorie, qui elle même change et se modifie au fur et à mesure du temps et des cures. Pour Elisabeth Roudinesco, La psychanalyse est une thérapie qui associe une théorie du psychisme à une philosophie de la liberté. Pour dire les choses simplement, nos patients viennent dans nos cabinets parce qu’ils souffrent et qu’ils sont empêchés par des symptômes. Nous ne les regardons pas comme des malades, des anormaux ou des déviants. Nous ne cherchons pas à les traiter, à les redresser ou à les adapter, nous affirmons que leurs symptômes et leur souffrance ont un sens et que la parole peut les en libérer.
Quelle différence entre un freudien, un lacanien, un jungien ?
Freud est l’inventeur de la psychanalyse. (Presque) tous ses successeurs se revendiquent de lui. Lacan, Jung (qui ne se revendique pas uniquement de Freud), mais aussi Ferenczi, Klein, Bion, Winnicott, Dolto parmi les plus connus, ont ajouté à l’œuvre de Freud et contribué au développement de la psychanalyse. La plupart ont fait école et ont profondément marqué la psychanalyse de leur époque et de leur pays. Le but de cet article n’est pas de prendre parti pour telle ou telle obédience. Sachez simplement que chaque école a son lot de bons psychanalystes. Débrouillez vous pour choisir parmi ceux là… Mais pour autant, il n’est pas indifférent de faire une analyse avec un lacanien, un freudien orthodoxe ou un analyste qui a travaillé avec Dolto. La plupart des patients ne se préoccupent pas de cette question. Fiez vous aux conseils de votre entourage et surtout à votre intuition…
J’ai peur que la psychanalyse ne fasse de moi quelqu’un d’autre, d’ailleurs certains écrivains n’ont-ils pas refusé de faire une analyse parce qu’ils avaient peur qu’elle les empêche de créer ?
A propos des effets de l’analyse, Freud utilise une métaphore fluviale, il compare le travail de la cure à celui qui permet au courant d’un fleuve de reprendre un ancien bras mort, plus direct que celui que des obstacles lui avaient fait emprunter au cours du temps. Il est possible, même probable, que certains comportements, certains attachements et certaines activités que le patient faisait avec obstination et sans vraiment y trouver un bénéfice véritable cessent de l’intéresser. Une analyse ça change la vie, c’est même pour cette raison qu’on l’entreprend. Mais de là à imaginer qu’à cause de l’analyse, la littérature ou le cinéma vont perdre le Flaubert ou le Jean Renoir que le patient croit être… Au contraire. On ne compte plus les artistes ou les écrivains en analyse. La psychanalyse permet au patient de vivre plus en accord avec ses désirs, elle ne l’empêche pas de les réaliser. La difficulté étant de savoir ce qu’il en est véritablement de ses désirs, et c’est justement le but de l’analyse…
La psychanalyse ne rend-elle-pas ses patients dépendants du psychanalyste ?
Il est tout à fait exact que le lien entre certains patients et leur analyste ou la psychanalyse se renforce au point qu’ils peuvent en devenir dépendants. C’est l’un des effets de ce qu’on appelle « le transfert ». Il s’agit d’un déplacement provisoire sur la personne de l’analyste du précédent attachement de la névrose, mais dans le but de son élaboration. L’un des buts de la cure est justement l’analyse du transfert et la cessation de cette dépendance. Le transfert n’est pas le propre de la psychanalyse, c’est un phénomène que l’on rencontre aussi en médecine ou dans l’importe quelle psychothérapie. Simplement la psychanalyse prend en compte ce phénomène et en fait une des particularités de la cure.
Comment s’arrête une analyse ?
Il n’y a pas de norme dans l’analyse et donc pas de cure type. Jung prétend qu’il y a autant de types d’analyses que de patients, mais disons que pour la plupart des patients, après un certain temps, la cure prend fin, mais on ne peut pas dire que le travail de l’analyse cesse pour autant. Certains de ses effets ne sont manifestes que longtemps après la fin de la cure. La fin de l’analyse est un moment délicat, particulier et étrange. La réussite d’une analyse dépend en partie de la manière dont elle se termine.
Pourquoi certains psychanalystes parlent une langue compliquée à laquelle on ne comprend rien ?
Les psychanalystes ont développé un savoir et des théories qui ont l’ambition de rendre compte du fonctionnement du psychisme humain. Mais le psychisme humain n’est pas objectivable comme celui d’un moteur et son fonctionnement n’est pas représentable dans le système logique qui est le nôtre. Ce qui ne signifie pas qu’il n’ait pas un fonctionnement rationnel avec sa propre logique, mais il se dérobe à notre compréhension. Prenons un exemple : On définit l’inconscient comme d’un lieu « séparé de la conscience » à l’intérieur de l’homme. Cette représentation est une image qui a l’inconvénient d’être déjà trop « formalisée ». L’inconscient est un lieu, certes, mais qui n’est pas localisable, situable, ni même représentable. Pour tenir compte de cette impossibilité il est plus juste de parler d’un « sujet de l’inconscient » plutôt que d’un « inconscient du sujet ». Il ne s’agit pas que d’un jeu de mot, mais de la conséquence d’une impossible appréhension de ce phénomène autrement que par un effet de langage. C’est pour des raisons de ce type que l’accès à la théorie est complexe, difficile et qu’il ne peut en être autrement. C’est aussi ce qui explique qu’un non initié débarquant dans une réunion de travail de psychanalystes peut avoir l’impression que l’on parle une langue inconnue.
Comment devient-on psychanalyste ?
Pour être analyste, il faut avoir fait une analyse. C’est la condition première. Non, que la psychanalyse fasse de vous un initié, un être plus doué, meilleur ou qui possède un savoir particulier, mais parce que la place qui est celle du psychanalyste ne peut s’occuper qu’après avoir vécu et éprouvé ce travail d’élaboration singulier de la place du patient dans la relation avec son propre analyste et dans le cadre strict et précis de la cure. La deuxième condition est d’en éprouver le désir et de « s’y autoriser de soi-même » comme le dit Lacan et non d’un droit donné par un diplôme, d’un permis délivré par une institution ou d’un savoir supposé. C’est la moindre des choses que la science, qui a pour vocation de faire émerger le désir de ses patients, se fonde avant tout sur le désir de ceux qui l’exercent… La troisième condition consiste à mettre à l’épreuve ce désir avec d’autres dans une société de psychanalyse.
Pourquoi les psychanalystes refusent-ils de se revendiquer d’un diplôme ?
Parce que la mise en avant d’un savoir intellectuel ou technique est l’exact contraire de ce qui a fondé et continue de fonder la psychanalyse. La psychanalyse a existé quand des médecins et des scientifiques ont cessé de mettre en avant leur savoir pour écouter leurs patients. C’est encore ce qui se passe chaque fois qu’un patient vient chez un psychanalyste. Ce sont nos patients qui nous enseignent notre savoir et non l’inverse. C’est de la pratique de l’analyse et des enseignements de la cure que s’est constituée et se constitue la théorie de l’analyse.
Bien sûr le savoir théorique, le « docte savoir », a une place importance dans la pratique et la formation des analystes. C’est d’ailleurs pour cette raison que les analystes ne cessent de lire, d’écrire, d’enseigner, de publier, de se réunir et de débattre dans leurs institutions, mais ce savoir sera toujours en position seconde, si ce n’est pas le cas, il ne s’agit pas de psychanalyse. C’est pour cette raison que le psychanalyste ne peut se revendiquer d’aucun diplôme pour l’exercice de son activité.
Quelle différence y-a-t-il entre un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute et un psychanalyste ?
Les psychiatres sont détenteurs d’un savoir médical nécessitant de longues études validées par un diplôme d’état. A ce titre, un certain nombre de psychiatres sont en charge de la santé publique et certains ont la lourde tâche de traiter dans des instituts spécialisés les troubles psychiatriques graves qui menacent ceux qui en sont victimes, leurs proches et la société. Le psychiatre est donc un médecin qui observe les symptômes, établit un diagnostic, détermine la nature du trouble (ou de la maladie), puis dans un second temps, il propose un traitement, parfois sous la forme de prise d’un médicament. Sa méthode ne se situe pas sur le même plan que celle du psychanalyste pour qui le symptôme a un sens et « parle ». Pendant, longtemps, la psychanalyse et la psychiatrie ont partagé des concepts communs. Les consultations du psychiatre sont, en général, remboursées par la sécurité sociale, à l‘exception de ceux qui ont fait le choix de la psychanalyse.
Le psychologue est détenteur d’un savoir et d’un diplôme universitaire reconnu par l’état, mais il n’est pas tenu de faire une analyse. C’est un professionnel qui soigne les affections ou les troubles psychologique, dans un cabinet privé ou dans de cadre d’une institution publique (hôpital, Cmp, Cmpp…). Ses consultations ne sont pas remboursées par la sécurité sociale.
Les psychothérapeutes s’appuient sur une pratique ou un savoir qui n’est pas toujours reconnu par un diplôme universitaire. A l’origine, il n’y a pas de différence entre la psychothérapie et la psychanalyse. C’est Freud qui, soucieux de souligner son approche différente de celle de Jung, a tenu à réserver l’usage du mot psychanalyse au seul psychanalyste. Les psychothérapeutes se sont organisés pour réglementer leur profession et ont obtenu un début de reconnaissance de la part de l’état.
La psychanalyse est une thérapie par la parole. Le psychanalyste est un thérapeute qui a fait une psychanalyse, qui a suivi un enseignement et qui est inscrit et participe aux activités d’une société de psychanalyse.
Généralement, il exerce dans un cadre privé et n’est pas reconnu par l’état. Ses consultations ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. Les psychanalystes ne souhaitent pas être intégrés au système étatique de santé publique parce que leur exercice est libre et privé et relève exclusivement d’un accord passé entre un patient et un psychanalyste. Cependant, pour ne pas réserver la psychanalyse à une pratique exclusivement libérale, des psychanalystes exercent pour un public d’enfants, d’étudiants ou de personnes en difficultés dans un certains nombres d’institutions d’état (hôpital, Cmp, Cmpp, Camsp, dispensaire, etc.)
N’importe qui peut donc se revendiquer psychanalyste ?
En théorie, oui… N’importe quel thérapeute peut se revendiquer psychanalyste. Mais en réalité, ce n’est pas si simple. Le psychanalyste est un personnage public, il est intégré dans la vie de la cité. Il est connu par ses patients et ses collègues, il a un cabinet de consultations. Ce sont les autres psychologues ou psychanalystes et les médecins qui lui adressent ses patients. Ce sont les résultats obtenus avec ses patients et le bouche à oreille qui font la preuve de la qualité de son travail. Le psychanalyste qui n’est pas reconnu n’exerce pas longtemps son activité.
Pour Freud, le diplôme et les études médicales n’étaient pas un gage suffisant pour l’exercice de la psychanalyse. Il s’est battu pour que la profession de psychanalyste soit accessible aux non-médecins. Peut-on lui donner tort ? C’est le désir d’être analyste qui est mis en avant pour être analyste. C’est le prix à payer pour que la psychanalyse reste libre et indépendante.
Les psychanalystes exercent un métier complexe et passent l’essentiel de leur temps à travailler avec leurs patients, à se réunir pour analyser leur pratique, à lire, à apprendre. Bien que ne faisant pas partie du système de santé publique, ils soulagent une part non négligeable de la souffrance psychique.
Pour quelle raison la plupart des psychanalystes demandent-ils qu’on les paie en liquide ?
Ce n’est plus une règle intangible. Beaucoup de patients règlent leur psychanalyste par chèque. L’argent, c’est ce qui permet au patient de ne pas rester en dette vis à vis de son psychanalyste. Il joue donc un rôle essentiel dans la cure. L’argent est un objet d’échange complexe qui a une valeur et une signification inconsciente. Pratiquement, la manière toujours particulière dont les patients s’acquittent de leur dette à la fin de la séance n’est pas dénuée de sens. C’est pour cette raison que la plupart des psychanalystes demande à être réglés en liquide. Mais encore une fois, chaque analyse est particulière et chaque psychanalyste a sa propre manière de faire. Il est difficile d’édicter des règles valables pour tous à propos d’un « objet » qui suscite un attachement aussi particulier que l’argent.
Une analyse avec un homme est-elle différente d’une analyse avec une femme ?
Sans doute… Ce n’est pas indifférent, mais dans tous les cas, il faut choisir. Vous remarquerez qu’on ne peut pas ne pas choisir. L’analyse ne sera pas la même si vous choisissez un homme ou une femme. La plupart des patients savent s’ils sont plus à l’aise pour parler avec l’un ou l’autre sexe.
Quelle est la particularité de la psychanalyse par rapport aux autres psychothérapies ?
La psychanalyse propose au patient un travail d’élaboration par la parole qui se structure autour de trois principaux concepts théoriques: L’existence de l’inconscient, la prise en compte du transfert et le primat donné à la sexualité. Ce sont ces trois concepts qui différencient la psychanalyse des autres thérapies. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Premièrement : l’existence de l’inconscient :
Les patients qui viennent en consultation sont sous le coup de symptômes (Idées obsédantes, angoisse, perte de désir, échecs, répétition, etc…). Les psychanalystes partent de l’hypothèse que « la cause » de ces troubles est psychologique et inconsciente, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne s’étayent pas sur une base organique, héréditaire ou biologique, ni même que les troubles psychiques n’ont pas une dimension réelle démontrable et mesurable. Mais les psychanalystes considèrent que ces symptômes ont un sens et sont l’expression d’un conflit psychique. Ils n’engagent pas le travail uniquement autour de l’observation et la typologie des symptômes, mais se préoccupent avant tout des paroles et de la personne du patient, (les psychanalystes parlent de « sujet ») et ce, quelque soit son « niveau », son intelligence et ses capacités intellectuelles.
Pour la psychanalyse l’homme est un être parlant, libre et doué de raison, il existe à l’intérieur de lui un lieu séparé de sa conscience (l’inconscient), où la raison vacille et qui est à l’origine d’un conflit psychique dont les symptômes ne sont que l’expression.
Deuxièmement : La prise en compte du transfert
Freud a découvert au cours des premières cures et après beaucoup de tâtonnements que c’est la parole du patient qui soigne et non l’information que lui délivre l’analyste. Certes, le patient souffre de ne pas savoir, mais il se soigne en le disant. C’est sa parole qui agit dans la cure et pas ce que lui dit le thérapeute. Pourquoi ? Parce que parler, c’est parler à l’autre, ce n’est pas simplement émettre un message que l’autre reçoit. C’est instituer l’autre comme garant de la vérité de ce que l’on dit. Par conséquent le psychanalyste est impliqué dans le dispositif mis en place dans la cure. Il n’est pas qu’un observateur neutre et détaché. Comment doit-il intervenir ? C’est bien là toute la question… Le travail du psychanalyste est de libérer le patient des motions inconscientes qui l’entravent en préservant son intégrité et sa liberté. Il doit s’effacer et laisser sa parole de son patient occuper l’espace. C’est pour cette raison que le psychanalyste intervient peu et à des moments précis de la cure, quand la problématique a été suffisamment élaborée pour être sûr que la parole dite dans le cabinet soit celle du patient et pas celle du thérapeute.
Troisièmement : Le primat donné à la sexualité.
On a accusé Freud de tout expliquer par la sexualité. Or la sexualité selon Freud n’est pas la génitalité. Freud n’est pas obsédé par le sexe, il constate que ce qu’il appelle les pulsions sexuelles, celles qui, dans tout organisme vivant concernent la reproduction, ont chez l’homme des conséquences spécifiques que n’ont pas les autres pulsions. II prend simplement acte du fait que chez l’homme, l’amour n’est pas la faim, que le désir n’est pas le besoin. Pour Freud, la sexualité joue un rôle fondamental dans le fait d’être humain. La pulsion sexuelle (libido) est à la fois la cause des névroses, le concept de base qui permet d’expliquer le fonctionnement particulier du psychisme humain, et à un autre niveau, ce qui définit à la fois l’horizon et la limite du travail du psychanalyste. Freud n’en démordra pas. Pourquoi ? Parce que le but de la psychanalyse est de réconcilier l’homme avec sa condition, fût-elle imparfaite et pas d’en changer la nature ou de l’élever au-dessus de son état. En conséquence, il maintient son édifice théorique fermement arrimé à ce concept de libido, imparfait certes, mais souple, paradoxal et tangible qui recouvre le mieux ce qu’est la base et la finalité de l’existence humaine. Freud se méfie des mystiques, des religieux, des sages, des philosophes et des idéalistes et refuse d’embarquer pour les étoiles, les mythes, la société idéale ou l’au-delà. Il maintient le psychanalyste à son fauteuil et lui rappelle sa modeste et nécessaire ambition : Libérer les patients de leurs entraves inconscientes en les laissant libre du choix de leurs vies.
David Rofé-Sarfati, Siret : 34334744900021. Membre Praticien de Espace Analytique, Association de formation psychanalytique et de recherches freudiennes. Membre du comité de L’Autre Scène, Théâtre et Psychanalyse. Membre de l'Association S'engager pour un Monde Meilleur reconnue d'utilité publique. Membre de CinéPsy. Chroniqueur Culture. Membre du Syndicat de la Critique.
