Freud a écrit, avec moult contributeurs, une science des rêves, une Traumdeutung (L’interprétation des rêves, publié en 1899, daté de 1900) qui s’est voulue une compilation de plusieurs cas fournis par des psychanalystes différents. Condensant plusieurs rêves, ce livre présente des études exemplaires de cas paradigmatiques, soutiens à de futures explorations. Mais Freud n’a pas découvert la clé des songes. Parce que la clé des songes n’existe pas. En 3050 sur la planète Mars, les descendants du père de la psychanalyse trouverons toujours autant d’embarras à interpréter un rêve sans son contexte, sans la connaissance de l’histoire et de la vie du rêveur, sans pouvoir intuiter à qui s’adresse le rêve et comment s’organise la reconstruction de ce rêve au réveil. La psychanalyse est une science toutefois non expérimentale, chaque analyse est unique, et rien ne peut être reproduit en laboratoire.
Ce rappel n’en est pas vraiment un car la plupart d’entre nous le sait, l’imagine ou le devine.
Pourtant, je suis souvent sollicité dans des dîners en ville par des inconnus qui me prient d’interpréter ex-nihilo un rêve ou un cauchemar. Je me plie volontiers à l’exercice proposant des pistes plus qu’une interprétation. En chacun, il existe une velléité à consulter, à se faire suivre. Cette curiosité narcissique restera le plus souvent un projet sans cesse remis.
Pourquoi donc ces personnes ne consultent pas?
Peur du changement
Une psychanalyse, et toute psychothérapie, promet le changement. Si l’on acceptera volontiers de changer ce qui nous fait souffrir, on sera terrorisé à l’idée de changer corollairement d’autres choses. On reproche, par exemple, à la psychanalyse d’inciter au divorce. C’est souvent le cas. Mais un divorce s’il se produit, il sera le résultat de surcroit, certainement conséquent socialement mais aussi tellement profitable pour votre économie psychique.
Peur du symptôme
Un jour, votre symptôme, nausée, angoisse, vomissement, maux de ventres, toc, s’accélère. Votre inconscient vous pousse à consulter. Vous téléphonez pour prendre rendez-vous avec un psy. Vous vous sentez déjà mieux car vous avez entendu et donner raison à votre demande inconsciente. Mais vous ne souhaitez pas vraiment quitter le symptôme. Vous le connaissez. Vous l’avez apprivoisé. Il vous protège car il vous enveloppe d’un scenario personnel et intime. Il est à vous et vous vous inquiétez de le voir s’arracher à vous dans la douleur. Vous respecter le principe du moindre mal de Conrad Stein (rip).
Peur de la régression
Entreprendre une psychanalyse, c’est aussi s’autoriser à pleurer, à geindre, à se plaindre. Votre ego s’y oppose. Vous dites: « je dois rester performant au bureau, assumer mes responsabilités ». Vous pensez: » j’ai honte de pleurer ». Vous dites : « je ne suis pas fou ». Vous pensez : « je vais devenir fou ».
Peur de l’évidence
Pour sauver votre amour propre, vous accusez les autres de votre mal être. Vous pratiquez l’imputation à l’autre de vos maux plutôt que hasarder votre implication. Vous parlez des heures au téléphone avec votre meilleure copine. Vous connaissez des insomnies fréquentes. Vous ne voulez pas consulter car vous croyez que ça va passer.
Peur de faire allégeance
Le pire et le plus efficient des freins à la consultation est le conseil d’un ami, d’un père d’une mère. Entreprendre une psychanalyse est un projet personnel qui procède d’une envie de s’occuper de soi, au contraire d’une obéissance à une injonction.
Pourquoi certains consultent quand même?
Étonnamment, la psychanalyse est réservée aux gens normaux, à ceux qui savent verbaliser, à ceux qui sont capables d’un regard critique, à ceux qui sont déterminés à changer, à évoluer, à s’améliorer. Cette opiniâtreté sera étayée par le coup de pouce fourni par l’inconscient … qui décide beaucoup.
absolument génial ce blog est un hymne à l’être humain!! je dirais « chaque être humain qui prend le téléphone et compose le numéro pour consulter et un être humain qui se respecte et qui a déjà fait un grand pas vers lui » bravo à David Rofé-Sarfati.
Corinne HALIMI
Practicienne en Coaching
et thérapie mentale.
Merci de vos encouragements.