Le 10 septembre à 1h00 du matin, Rafah Nached est arrêtée à l’aéroport de Damas alors qu’elle s’apprête à embarquer pour Paris. Rafah Nached est la première femme psychanalyste à exercer en Syrie. Diplômée en psychologie clinique à Paris V Diderot. Rafah Nached a 66 ans. Elle a récemment fondé l’école de psychanalyse de Damas. Elle est aujourd’hui aux mains des services de renseignement, emprisonnée, inculpée « d’activités susceptibles d’entraîner un déstabilisation de l’état ».
Le pouvoir syrien en arrêtant Rafah Nached, seule psychanalyste du pays, vient d’emprisonner la psychanalyse.
Dans le milieu psy français et en particulier à Paris où elle compte de nombreux amis l’émoi est notable, une pétition a été mise en ligne sur le site de MEDIAPART. Le quai d’Orsay a dénoncé le mépris des droits de l’homme les plus élémentaires.
Pourtant, Rafah Nached n’est pas une opposante. Elle cherche à implanter dans son pays les théories freudiennes, préférant la clinique à l’action politique.
Elle a été arrêtée après que Ghiyad Matar, activiste pacifiste, a été enlevé et torturé à mort, après que Ali Parzat, caricaturiste, a été enlevé et délibérément blessé à la main.
Le régime de Bachar el Assad s’attaque donc à des modérés, partisans de la liberté de conscience. Essayons de lister quelques unes des raisons de ce ciblage.
Le ressentiment
Le monde arabe endurent depuis longtemps une condition dégradante. L’instrumentalisation d’une humiliation supposée faite par l’occident réponds à ce ressentiment, Le pouvoir pose l’attitude des Etats Unis ou de l’occident comme la seule source de cette avanie. Le discours psychanalytique sait repérer et amender cette duperie de la victimisation par imputation.
Le religieux
Freud considère la religion comme une illusion qui en fabriquant un idéal du moi concourt à la civilisation. La censure des pulsions par le refoulement et l’interdit est donc acceptable pour la psychanalyse. Toutefois, le débat et la dissection de nos pulsions nous permettent une mise à distance, un discernement de nos structures mentales et une critique clairvoyante des chefs religieux, des théologiens, dirait Spinoza. Avertis, nous ne sommes plus les mêmes.
Le statut de la femme
La psychanalyse pose comme un fondamental la bisexualité psychique qui ne peut s’articuler avec une hiérarchie homme – femme.
La jouissance en dictature
Une dictature utilise la frustration pour régner. La cure psychanalytique vient bouleverser cette économie sociale et sexuelle en replaçant le sujet au centre de son désir. Elle opère aussi cette révolution copernicienne, faille narcissique selon Freud, où le sujet découvre, sidéré cependant que libéré que le monde se fait sans lui, est hors de lui, qu’il n’en est qu’un acteur consentant ou pas.
La modernité
Le refus de la modernité reste un frein absolu au changement et une dictature déteste le changement. Alors que les voisins israéliens, adeptes d’une psychanalyse déjà très répandue, réclamaient en août , pendant la révolution des tentes, la gratuité de la psychanalyse, le pouvoir syrien repère dans cette philosophie l’ouverture éclairée des consciences par une critique raisonnée de nos croyances.
Une phrase de Nietzsche résume l’opposition de la dictature syrienne à la psychanalyse : nous savons que la destruction d’une illusion ne crée pas tout de suite une vérité, mais un nouveau fragment d’ignorance, un élargissement de notre espace vide, un accroissement de notre désert.
Une dictature a peur du vide. (Bachar ! , parlez nous de votre père)